Le
titre initialement prévu était Mauriac
sans les combats du siècle, mais après une discussion informelle avec plusieurs
membres de l’Association, et hier encore, avant de rédiger ces lignes, avec
Jean-Paul Bourcheix qui est en un peu désormais la mémoire vivante, l’idée nous
est venue de recentrer la rencontre sur l’actualité en même temps que l’avenir
de l’œuvre mauriacienne, sans toutefois abandonner complètement le projet
initial. Le titre Mauriac au contemporain pourrait dès lors s’entendre en deux directions principales :
I. Un bilan des engagements mauriaciens, qui le placèrent au cœur de
l’événement historique, de la querelle du modernisme à la Résistance, de la
question coloniale aux grands choix stratégiques de la France après 1945. Dès
lors, le premier titre initialement prévu pourrait être retenu pour
regrouper celles des communications qui
voudront faire un bilan de ces prises de position en prise sur l’histoire
immédiate.
II. Mais les questions soulevées par Mauriac sont pour la plupart
d’entre elles plus que jamais d’actualité. Dans ses essais comme dans ses
écrits journalistiques, Mauriac, qui ne se voulait pas philosophe, et encore
moins systématique dans le sens que
Péguy donnait à ce terme, n’en développa pas moins une pensée cohérente,
puissante, qui n’éluda aucune question fondamentale : les finalités du
politique, l’essence de l’Europe et sa destinée dans la symphonie des
civilisations, la réflexion sur la notion de civilisation elle-même, et dès
lors sur des fins dernières qui posent le problème de l’articulation du
temporel et de l’éternel, l’avenir du Christianisme dans un monde de plus en plus
sécularisé, la notion d’héritage et de filiation, entre autres avec les
cultures de la Grèce et de Rome, l’émergence de nouveaux mondes, qui posent
bien sûr le problème d’une politique française et européenne à leur égard, mais
plus profondément encore celle d’un avenir du Christianisme qui ne peut plus se
confondre avec son berceau euro-méditerranéen. Les questions sont innombrables,
et Mauriac les a abordées avec une acuité remarquable. Il a aussi réfléchi aux
transformations de l’art, des traditions culturelles, dans un univers
bouleversé par la technique et la science.
III. Ces remarques permettent de dégager un troisième point que pourrait
aborder ce colloque, quelque chose comme « Mauriac au futur », car il
va de soi que l’auteur du Bloc-notes a
su tourner son regard vers un avenir qu’il jugea souvent des plus
problématique. Dans ses textes les plus méditatifs, il a projeté sa pensée vers
des horizons qu’il est bien sûr hasardeux de vouloir anticiper avec trop de
précision réaliste mais que l’on peut toutefois pressentir, comme le fit
Chateaubriand dans les derniers chapitres de ses Mémoires. Dès lors, une telle
réflexion permettrait très certainement de contribuer à redresser l’image d’un
Mauriac dépassé par son siècle et menant, dans tous les domaines (et surtout
celui de l’art) un combat d’arrière-garde, comme il aimera le dire lui-même non
sans une coquetterie un peu provocatrice.
Ce
sont des propositions, certes, et j’attends vos réactions avant de retenir le
titre définitif du colloque et sa problématique d’ensemble.
J.F.Durand.